En refermant ce magnifique livre de bell hooks, je me suis retrouvée bouleversée, chaque chapitre ayant fait écho à des êtres chers et à des réalités partagées. Situé dans le contexte des États-Unis après l’abolition de l’esclavage, cet ouvrage traite des femmes noires afro-américaines qui ont directement subi les séquelles de cette tragédie historique.

En tant que femme noire sénégalaise, je n’ai pas vécu cette histoire de façon directe (même si je sais que mes arrière-grands-parents ont peut-être été victimes de la traite). Il serait facile de penser que je ne connais pas le racisme tel qu’il est vécu ailleurs, ayant grandi à Dakar, loin de certaines formes visibles d’oppression. Il serait tout aussi facile de croire que ce texte ne m’était pas vraiment destiné.

Et pourtant, en tant que féministe, survivante de violences, témoin de l’exploitation des femmes par le patriarcat, et participante active dans les espaces féministes, je me suis sentie interpellée et profondément touchée par ce livre. bell hooks nous montre que, peu importe où nous sommes ou à quelle époque nous vivons, le patriarcat, le sexisme, et la suprématie blanche imposent des oppressions qui résonnent de manière universelle, produisant des souffrances qui se ressemblent à travers les continents et les générations.

Quand bell hooks parle de l’importance de créer des espaces de guérison, d’amour, d’encouragement critique, et de soulager ce stress «des rêves remis à plus tard, réduits au silence ; le stress des promesses brisées et des mensonges éhontés ; le stress d’être toujours en bas, de n’être jamais trouvée belle, d’être prise pour acquise, d’être utilisée… » – ses mots trouvent en moi un écho puissant.

Elle évoque aussi l’amour de soi comme fondation essentielle de la solidarité féminine, permettant aux femmes de se soutenir mutuellement dans leurs luttes contre les injustices. Je ne peux qu’approuver, car il m’a fallu désapprendre tant de choses, me concentrer sur moi, m’autoriser même une certaine dose de narcissisme pour être capable, aujourd’hui, d’être pleinement présente pour mes sœurs, de semer l’amour, le rire et la danse partout où je me trouve.

Quand elle parle de la création du groupe de soin collectif « Les Sœurs de l’Igname »,c’est comme si elle mettait des mots sur nos propres luttes, nos souffrances, nos besoins en tant que jeunes filles, femmes, et mères dans une société conservatrice fondée sur le patriarcat. Nos douleurs restent invisibles dans l’espace public, car elles ne sont ni reconnues ni représentées. « Il est douloureux de faire semblant, il est douloureux de vivre dans les mensonges. »

Le sentiment de bien-être que nous éprouvons chaque fois que nous nous retrouvons dans nos espaces féministes est inestimable. Ce sont des lieux où nous nous présentons sans masque, vulnérables, avec nos blessures exposées. Comme l’écrit hooks, ce bien-être est « une source de guérison essentielle qui émerge dès lors que nous mettions le doigt sur tous les facteurs qui, dans notre vie, étaient à l’origine d’une douleur particulière. » Dans ces espaces, nous trouvons la liberté de nommer nos souffrances et de commencer à guérir ensemble.

Celles qu’on surnomme affectueusement « Bajen » nous rappelle que, pour avancer, nous devons affronter nos douleurs et les reconnaître, tout en créant des espaces sécurisants où nous pouvons nous reconstruire et trouver du soutien mutuel.
Et l’Amour… Oui, elle consacre un chapitre entier à ce sujet, intitulé « Vivre pour aimer ». Mais je garde ce que je pense de cette partie…
Vous avez une idée ?

Ndeye Fatou Kane, Merci de m’avoir poussé à lire ce livre ! Je comprends maintenant pourquoi tu veux tant le faire lire à toutes les sœurs féministes. Moi aussi, j’aimerais que toutes l’ajoutent à leur liste de lectures indispensables !

warkhatv

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