Dr Zeinab Kane parle des droits ainsi que les actions qu’il faudrait faire valoir en cette journée du 8mars .
L’urgence d’investir, l’impératif d’agir : Les femmes à l’épreuve de la réalisation de leurs droits.
La célébration du 08 Mars journée internationale des droits des femmes est une opportunité de réflexion et d’actions en faveur des femmes Depuis son institutionnalisation en 1977 par la communauté internationale, cette date encourage les États, les institutions, les communautés et les groupes féministes à se mobiliser à porter le plaidoyer et à agir sur des enjeux féminins. Le thème retenu cette année « Investir en faveur des femmes, accélérer le rythme », trouve toute sa pertinence au vu des récents bouleversements politiques et sociaux à l’échelle nationale qui ont inévitablement affecté les femmes. Cette thématique souligne l’urgence d’une mobilisation générale, active et durable pour les droits des femmes. Deux questions essentielles seront discutées dans cette réflexion axée autour du thème général. Que signifie investir pour les femmes et comment accélérer le rythme autour de cet investissement ?
Investir signifie littéralement « mettre son Energie dans une action ». Cette année, l’appel est lancé à notre communauté pour redoubler d’efforts et créer une synergie accrue autour de l’autonomisation des femmes. Quels sont les domaines dans lesquels il faudra investir davantage pour les femmes ? L’éducation et la formation, le travail domestique des femmes, la santé et le bien être des femmes constituent des secteurs essentiels pour la réalisation des droits des femmes
En effet, l’éducation est reconnue comme l’outil le plus efficace pour transformer la société. Elle ouvre des portes à de nouvelles opportunités, favorise l’égalité des sexes et permet aux femmes de réaliser leur plein potentiel. En investissant dans l’éducation des femmes, nous investissons dans un avenir où elles sont leaders, innovatrices et moteurs de changement dans leurs communautés et au-delà. Il s’agit d’orienter les filles dans les filières porteuses de transformations structurelles mais surtout reprendre les expériences enrichissantes de l’alphabétisation fonctionnelle afin de donner à toutes les filles et les femmes issues de différents milieux leurs chances.
Investir en faveur des femmes, c’est aussi investir dans l’espace privé avec la valorisation du travail domestique. Ce travail souvent invisible est d’une importance capitale pour le bien être des familles, il nous faut trouver une réponse collective à ce besoin de mettre en exergue les efforts quotidiens des femmes dans les ménages sénégalais.
Investir dans les femmes, c’est aussi assurer un bien être aux femmes pour le bonheur de leurs communautés. Donner la possibilité aux femmes et aux filles de poursuivre leurs ambitions. Ces différentes formes d’investissement sont possibles si la cadence est maintenue et renforcée.
Comment accélérer le rythme en faveur d’un investissement sur les femmes ? A cette question, il y a plusieurs éléments de réponses. Il est souvent présumé que cette impulsion doit provenir de l’État en tant que garant des droits. Néanmoins, il est important de souligner que l’amplification des efforts pour les droits et le bien-être des femmes passe par plusieurs créneaux, notamment la promotion des valeurs qui favorisent l’égalité des sexes, le renforcement du financement des programmes axés sur les femmes, ainsi que le soutien à leur leadership.
Accélérer le rythme par une promotion de valeurs qui favorisent l’égalité. Accélérer le rythme autour d’un discours sur l’égalité des sexes productif. Il est devenu essentiel de revisiter et d’honorer les dynamiques de genre au sein des relations entre hommes et femmes, enracinées dans nos richesses culturelles ancestrales. En Afrique, historiquement, ces interactions n’étaient pas basées sur une opposition mais plutôt sur une synergie et une complémentarité, évoluant en harmonie avec les besoins et les contextes spécifiques de chaque société à différents moments de leur histoire. Cheikh Anta Diop, dans son œuvre « Nations Nègres et Culture », revivifie cette vision des relations homme-femme en soulignant leur nature non conflictuelle lorsqu’il écrit « Il existait donc, en Afrique Noire, un bicaméralisme spécifique reposant sur la dualité des sexes. Loin d’entraver la vie nationale et d’opposer les hommes et les femmes, il garantissait l’épanouissement de tous. C’est à l’honneur de nos ancêtres d’avoir su créer un tel type de démocratie. » Il y a un besoin de se réapproprier de notre héritage culturel dans les relations hommes – femmes et surtout du statut de la femme sénégalaise dans la société. Elle a toujours eu une place non pas de seconde zone comme il est souvent décrié mais une place de choix dans la prise de décision et dans l’influence de la décision. Le discours est à inscrire dans l’ouverture pour convaincre plus d’hommes si l’on part de cette réalité connue que plusieurs d’entre eux sont acquis à la cause des femmes. Combien de pères ont aider à briser le plafond de verre, combien de frères ont supporté sur leurs frêles épaules leurs sœurs combien de mari ont fait de leurs femmes des héroïnes ? Tout comme le contraire a existé. La bouteille il nous faut l’a regardé à moitié pleine. Convaincre les réticents et les récalcitrants à travers un discours ouvert mais surtout rappeler la nécessité de collaborer pour relever les défis.
Accélérer le rythme par le changement de paradigme autour du financement consistant des femmes.
Quand tout se fait petit, femmes vous restez grandes écrivait Victor Hugo. Les crédits et les financements alloués aux femmes doivent être améliorer. Il faut donner des financements consistants et équitables qui changent considérablement les conditions des femmes. Depuis quelques années l’Etat du Sénégal a multiplié les initiatives de soutien à l’autonomisation des femmes. Bien que salutaires, ces initiatives rendent compte d’un écart énorme à combler. En effet, plusieurs femmes travaillent dans le secteur informel et reçoivent des financements ponctuels et souvent insuffisants. Elles s’activent dans la transformation des produits locaux (céréales, produits laitiers, produits halieutiques). Il faut renverser cette tendance à travers une industrialisation et une professionnalisation. Passer de GIE ou de GPF à des PME où les femmes seront les vrais maitres de leurs destins. L’accès équitable et inclusif aux financements est aussi à améliorer si l’on sait que les initiatives de l’Etat ne sont pas toujours vulgarisées. Les informations sont souvent partagées dans des rencontres officielles qui n’intègrent pas les vraies destinataires des ces programmes et projets. Elles ne sont pas toujours autour de ces tables souvent sélectives. Ce sont les organisations de femmes connues qui ont accès à l’information. Qu’en est-il des autres ? souvent oubliés et même écartés pour une raison ou une autre.
Accélérer le rythme par le soutien inclusif du leadership des femmes.
Il est impératif de renforcer le leadership féminin à tous les échelons de la société, depuis le cœur des foyers jusqu’au tissu des communautés locales. Les femmes sénégalaises, connues pour leur dynamisme, naviguent avec ingéniosité à travers les complexités de la conciliation entre la vie de famille, la carrière professionnelle et l’engagement civique. Cette dextérité souligne la nécessité de soutenir celles qui aspirent à des positions de pouvoir et d’encourager celles qui hésitent à s’investir dans la vie publique.
Ce soutien passe par l’engagement et la détermination des femmes. Aminata Sow Fall dans l’empire du mensonge rappelait aux femmes que « la solution de vos difficultés, c’est l’intérieur de vous-même. A vous d’exploiter les forces qui sommeillent en vous. Il y a un besoin réel pour chaque femme de prendre son destin en main par une confiance en soi. La mise en place de programmes et d’initiatives macro et micro qui s’intéresseront à chaque cible en fonction de ses besoins. Des recherches ont montré que pour faciliter l’accès des femmes aux instances décisionnelles, il faut du temps, de l’argent et des réseaux de solidarité et de soutien. Malheureusement tous ces trois intrants sont souvent à conquérir parfois sans arme ni bagages. En plus des actions que l’Etat doit engager, les associations, les partis politiques doivent instaurer des mécanismes de coaching et de soutien au leadership.
L’intensification des investissements en faveur des femmes peut certainement propulser le changement, mais cela exige un environnement propice où les aspects sociaux, économiques et culturels s’alignent sur des objectifs partagés. Ces objectifs doivent viser l’éradication de la pauvreté, la lutte contre la discrimination et la violence, et la reconnaissance des femmes en tant qu’agents clés du changement pour une société plus équitable et durable où chaque femme aura la possibilité de s’épanouir et de contribuer pleinement au tissu de notre nation.
À l’occasion de cette célébration, nous adressons nos pensées les plus chaleureuses à toutes les femmes ainsi qu’aux hommes animés par un sens aigu de la justice et de la compassion, qui les appuient dans leur quotidien.
Dr Zeinab Kane, Enseignante -chercheur en Droit Public,
Militante des droits des femmes.
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