Femmes, droits et autonomisation 

Chaque 8 mars, la communauté internationale célèbre la Journée de la femme, un moment  privilégié pour mettre en lumière les avancées réalisées tout en soulignant les défis persistants.  Cette année, la thématique retenue, « Pour TOUTES les femmes et les filles : droits, égalité  et autonomisation », trouve une résonance particulière dans le contexte sénégalais. En effet,  ces dernières décennies, le cadre juridique et politique relatif aux droits des femmes au Sénégal a connu des avancées notables. Cette évolution a influencé le statut de la femme à travers leur  participation à la vie sociale, économique et politique. 

Ce thème constitue un appel à une approche globale et inclusive pour que toutes les femmes et  filles, sans distinction, puissent jouir pleinement de leurs droits. Il met en avant trois dimensions  essentielles : les droits, l’égalité et l’autonomisation. Plutôt que de dresser un bilan, cette  réflexion se penche sur trois axes majeurs : l’état actuel des droits des femmes et des filles ainsi  que les défis à relever, le rôle fondamental de l’autonomisation dans la transformation sociale  et, enfin, le lien entre l’effectivité des droits, l’autonomisation et l’égalité des chances. 

Les droits des femmes et des filles : défis et perspectives 

Les droits des femmes et des filles sont aujourd’hui garantis par un cadre juridique structuré et  soutenus par des mécanismes institutionnels mis en place par l’État. L’adoption de textes, tels  que la loi n°2010-11 du 28 mai 2010 instituant la parité absolue homme-femme, la modification du code de la nationalité en juillet 2013 et d’autres instruments législatifs, constitue des avancées significatives. Cependant, l’effectivité de ces avancées législatives demeure un enjeu  majeur. La réalisation des droits est entravée par les inégalités structurelles persistantes, les  résistances socioculturelles qui limitent l’accès réel des femmes et des filles à leurs droits  fondamentaux. Ces facteurs constituent des obstacles majeurs si l’on sait que les questions de  pratiques et de normes sociales ne changent pas du jour au lendemain. Elles connaissent des  processus de transformation plus lents qui se négocient entre les différents acteurs. A ce registre  des obstacles à la réalisation des droits des femmes, il faut ajouter les textes, les politiques et 

les pratiques discriminatoires qui défavorisent les femmes.  

Des lors, une approche holistique est nécessaire pour assurer une prise en charge adéquate des  besoins spécifiques des femmes, tenant compte de leur diversité sociale, économique et  culturelle. Il serait redondant de rappeler que les femmes n’ont pas les mêmes besoins. Il  importe ainsi de distinguer les besoins pratiques et les intérêts stratégiques qui concernent  l’accès aux services essentiels comme l’éducation de qualité – qui garantit en même temps la 

réussite dans les filières scientifiques ainsi que la formation des filles et jeunes femmes  déscolarisées – l’accès aux soins de santé, l’accès équitable aux financements et moyens de  l’Etat, la formalisation des activités génératrices de revenus (qui doit changer d’étape partant  des action des groupements de promotion féminines aux petites et moyennes entreprises), la  prise en compte des vulnérabilités en milieu rural entre autres questions. Par ailleurs, il serait aussi utile, dans une démarche constructive, d’interroger les intérêts stratégiques qui visent  l’émancipation durable à travers une participation accrue dans les sphères économique et  politique. Cette distinction est cruciale pour l’élaboration de politiques publiques adaptées,  garantissant des interventions ciblées et inclusives, répondant aux réalités du terrain.  

A ce titre, la valorisation du potentiel des femmes dans le tissu social et économique est une  nécessité. Au-delà des questions conjoncturelles, les femmes constituent une véritable force  pouvant considérablement accélérer les transformations sociales attendues. L’étude prospective  « Femmes Sénégalaises à l’horizon 2015 » réalisée par le Ministère de la Femme de l’Enfant et  de la Famille en 1994 avait fait des femmes une force du changement. Un défi bien possible.  Il faut en plus des actions ciblant les femmes dans le secteur informel, mettre en place des  mesures spécifiques pour soutenir et accompagner les femmes cadres et les élites qui ont des  besoins différenciés pas toujours pris en charge dans les réponses.  

Plusieurs perspectives sont à envisager. D’abord, l’amélioration du cadre juridique, la révision  des textes discriminatoires, la diversification des thématiques à adresser (sécurité, changement  climatique, ressources naturelles) sont importantes pour faire face aux exigences de l’heure.  Ensuite, la vulgarisation et l’appropriation des textes, l’accès au droit et à la justice,  l’éradication de la violence sous toutes ses formes, la formulation de réponses programmatiques 

durables et pérennes qui répondent aux besoins différenciés des femmes sont à inscrire dans le  registre des chalenges. Enfin, la compréhension et l’appropriation des enjeux prioritaires par les pouvoirs publics, le positionnement du travail des organisations de défense des droits des  femmes, le travail en synergie entre les parties prenantes sont aussi des gaps à combler. 

Au chapitre de ces révisions législatives figurent celle du code de la famille qui soulève ces  derniers temps des controverses, divergences et souvent des polémiques entre différents  groupes. Dès lors, dans un processus large et participatif, l’identification des problèmes majeurs  et la préconisation des solutions durables seront des portes de sorties heureuses. Voilà autant  de défis souvent complexes à relever. Mais avec un leadership concerté et partagé par toutes et  tous, les changements attendus sont possibles. Il serait intéressant, au nom de la cohésion 

sociale et de l’unité nationale, de trouver des convergences dans les dynamiques de changement  enclenchées.  

L’autonomisation des femmes : un levier de transformation sociale 

L’autonomisation des femmes est aujourd’hui un enjeu central pour garantir l’effectivité de  leurs droits. Elle ne se limite pas à l’indépendance économique ou financière, mais s’inscrit  dans un processus plus large, leur permettant d’acquérir les ressources et les compétences  nécessaires pour exercer un contrôle sur leur vie et leur environnement. Loin d’être une simple  traduction du concept anglais empowerment, l’autonomisation désigne dans le vocabulaire des  politiques publiques sur les femmes une dynamique structurelle qui favorise l’égalité et la  justice sociale ou encore un processus par lequel les femmes accroissent leur capacité de  modeler leur propre vie et leur environnement. 

Les recherches menées dans le cadre des approches de développement soulignent que  l’autonomisation repose sur trois piliers fondamentaux. Le premier est le savoir, qui passe par  un accès à la formation et à l’acquisition de compétences adaptées aux besoins contemporains.  Le deuxième est l’avoir, qui garantit aux femmes un accès effectif aux ressources économiques,  telles que la terre, les intrants agricoles, l’emploi et le crédit. Le dernier est le pouvoir, qui  renvoie à leur capacité à participer aux instances de décision et à influencer les politiques  publiques, tant au niveau électif qu’administratif. 

Toutefois, l’autonomisation des femmes ne peut être effective sans un environnement social  propice. Les institutions doivent non seulement promulguer des lois, mais aussi adopter des  politiques publiques favorisant la justice sociale. Par ailleurs, les familles et les communautés  ont un rôle déterminant à jouer dans cette dynamique, notamment en encourageant l’éducation  des filles, en soutenant le leadership des femmes et en déconstruisant les normes qui perpétuent  les inégalités. Cette question s’inscrit également dans un contexte de mutations sociétales, où  les femmes doivent composer avec un double impératif : concilier vie professionnelle et  responsabilités familiales, dans un monde en constante évolution. 

L’effectivité des droits et l’autonomisation : vers une égalité des chances 

L’égalité des chances passe par l’effectivité des droits et l’autonomisation des femmes. Garantir  une véritable égalité des chances implique de dépasser le cadre formel des lois et de s’assurer  de leur application effective. L’enjeu ne réside pas uniquement dans l’adoption de textes  protecteurs et la formulation des politiques publiques, mais également dans l’existence de 

mécanismes permettant aux femmes de faire valoir leurs droits et d’obtenir réparation en cas de  violation. Ainsi, l’autonomisation ne saurait être perçue comme un simple objectif final, mais  comme un processus dynamique et continu, nécessitant un engagement fort des pouvoirs  publics, des institutions et de la société civile. 

Cette démarche exige une vision à long terme et une réflexion approfondie sur les structures  sociales et économiques. L’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels, souvent  qualifiés de droits humains de seconde génération, doit être accompagnée d’une volonté  politique affirmée et d’un suivi rigoureux de leur mise en application. Il s’agit de doter chaque  femme et chaque fille des outils nécessaires pour construire leur avenir et contribuer ainsi, de  manière significative, à l’édification d’une société plus juste, inclusive et équitable. 

Nos pensées se tournent vers toutes les femmes surtout à celles qui se battent en silence et qui  transforment les obstacles en opportunités et aux hommes épris de justice sociale qui les  appuient au quotidien. Pour toutes les femmes et les filles du Sénégal et de l’Afrique, respectons  et protégeons leurs droits. 

Dr Zeinab Kane, Enseignante -chercheure en Droit Public,  

Militante des droits des femmes.

warkhatv

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